IMAGE D’ANTAN
Ciel d’automne
Le hache traverse le ciel ambré
Un cryptomère oscille
Sôseki (1867-1916)
Du second volet de la définition du haïku formulée par Matsumé Sôseki (Haïku du Coeur n° 90) : » un univers irradiant à partir d’un point focal « , ce nouveau haïku est un exemple » frappant « . Chacun peut en effet percevoir par ces quelques mots la soudaineté et la brillance du tranchant de la hache qui, telle un glaive de samouraï, vient fendre l’air pour fracasser le bois.
Arbre de la famille des conifères, le cryptomère est très prisé au Japon et on le retrouve dans de nombreux tercets classiques. Il est décrit comme un arbre de très grande taille, son tronc est droit et très élancé (provoquant ici des oscillations), son beau feuillage vert en fait un très bel arbre d’ornement.
Le contraste indiqué par l’auteur entre la violence du coup de hache et la résistance docile du végétal apparait ici magnifiquement. Si le haïku est un art qui réfute l’expression directe de sentiment, il n’en demeure pas moins que ce haïku-là, autant dans sa construction que dans son expression, traduit une certaine souffrance que le ciel ambré ne parvient pas à dissiper.
La tronçonneuse a remplacé la hache de nos jours. Le silence des campagnes n’en est pas moins troublé par les vrombissements de l’engin lorsqu’il déchire le petit matin. D’une brillance soudaine nous sommes passés à une pétarade déplacée qui précède un craquement sinistre lui-même précurseur d’un bruissement sourd lorsque les feuillages s’enchevêtrent sur le sol.
Il ne s’agit pas ici de développer le message nostalgique d’une époque antérieure à la mécanisation. Simplement peut-être de mettre en évidence que pour bon nombre d’activités de la vie courante, la noblesse du geste n’est plus vraiment ce qu’elle était.
Jean Le Goff
14 décembre 2013
Bibliographie :
Haïkus
Sôseki. éditions Picquier Poche. 2009. 140 pages.