HAIKU DU COEUR N° 183
LE STRESS EST CONTAGIEUX …
en ville le papillon
voltige
frénétiquement
Ryôkan (1758-1831)
Ne découvre-t-on pas ici un Ryôkan pris en flagrant délit d’exagération ou est-ce l’un de ces traits d’humour dont il a le secret qui l’incite à écrire ce haïku ? Je dois dire que connaissant ce haïku depuis un moment, je ne peux qu’y penser lorsqu’un papillon vient à croiser ma route dans une grande agglomération.
En ce début d’automne où nos villes font le plein après les rentrées et où les papillons se font de plus en plus rares, il me paraissait intéressant de vous présenter ce tercet qui pourrait être un slogan aux défenseurs d’un environnement débarrassé de ses démons habituels dans lesquels le bruit en particulier prend toute sa part.
L’effervescence chez le papillon n’est que passagère, ses jours lui sont comptés, jamais il ne verra l’hiver et les gesticulations urbaines lui sont d’autant plus désagréables qu’il se demande bien pourquoi tous ces grands échalas que nous sommes pour lui s’agitent ainsi. Mais de cette fièvre, à la longue, il se sent pénétré et de « virevolteur » subtil il devient voltigeur fuyant le danger.
Décidément, même en ville, il n’est guère agréable d’être papillon. Dans quelques années peut-être lorsque nos grands architectes auront végétalisé les hautes parois de béton, des papillons deviendront rois ? Il nous arrivera peut-être alors de les voir se prélasser au-dessus d’une ruche de bureaux envahis par des écrans ? Et nous photographierons « frénétiquement », des fois qu’ils se mettent en tête de disparaître sans laisser d’adresse.
Jean Le Goff
3 octobre 2015
Bibliographie :
Ryôkan, pays natal ; portrait et haïkus ; poèmes choisis et traduits par Cheng Wing fun et Hervé Collet ; éditions Moundarren ; 2009 ; 110 pages.