» Celui qui a lâché prise «
sur la pointe d’une herbe
une fourmi
sous le ciel immense
Hosaï
1885 – 1926
Nouveau numéro de Haïku du Coeur : la rubrique entame sa troisième année d’existence par ce haïku de Hosaï, Maitre haïjin qui occupe une place particulière dans la poésie japonaise du vingtième siècle.
Hosaï nait en 1885 dans une ville côtière de la mer du Japon. Passionné de philosophie taoïste, il mène une existence de jeune homme érudit jusqu’à sa vingt et unième année. Inscrit en faculté de Droit, il se destine à un métier porteur d’avenir dans le secteur florissant des assurances. Il s’éprend d’une cousine versée dans la littérature avec qui il veut se marier. Mais son existence bascule parce que le frère ainé de la jeune femme s’oppose à cette union, évoquant des risques liés aux mariages consanguins.
Le dépit amoureux qui s’en suit conduit le jeune homme à se consacrer à l’étude des textes bouddhiques, à consommer du saké plus que de raison et à prendre Hosaï pour nom de plume, nom qui signifie : » Celui qui a lâché prise « .
Dans le haïku qui ouvre cet article, on constate l’intérêt de l’auteur pour les plus petits et sans doute les plus fragiles êtres qui peuplent la nature. La fourmi, la libellule, les puces même parfois, occupent une place non négligeable dans l’oeuvre de Hosaï.
De la fourmi jusqu’au » ciel immense « , le monde est monde, et le chemin évoqué ici n’est qu’un brin d’herbe. La transposition avec la condition humaine est suggérée avec délicatesse et conduit à la méditation. C’est ainsi que l’oeil autant que la plume inclinent vers l’humilité. Il y a chez Hosaï une préoccupation constante à établir des liens entre tous les êtres de la nature, fussent-ils de taille modeste.
Prenons le temps de regarder l’insecte dans son milieu naturel, nous découvrirons beaucoup sur nos propres attitudes.
Jean Le Goff
8 novembre 2014
Bibliographie :
– Hosaï, sous le ciel immense sans chapeau.
Poèmes choisis et traduits par Cheng Wing fun et Hervé Collet aux éditions Moundarren. Millemont 2007. 124 pages.