HAIKU DU COEUR N° 239

HAIKU DU COEUR N° 239

Hommage à ceux qui ont disparu sous le feu des canons

Pour le soldat blessé

le ciel est tellement froid

au-dessus des grands cèdres !

Yokoyama Hakkô

Ce haïku semble avoir été conçu comme un vibrant hommage à tous ceux qui un jour ont dû s’effondrer sous la mitraille. Il me semblait judicieux de vous le proposer au lendemain de la commémoration de l’armistice du 11 novembre 1918. Souvenons-nous que, signé aux aurores (à 5 h 15 du matin), celui-ci met fin au premier conflit mondial mais ne constitue en rien une capitulation ; d’ailleurs cet accord porte en lui les germes de la guerre, qui à partir de 1939 et jusqu’en 1945, laissera la vieille Europe exsangue.

Et nous pourrions multiplier ainsi les exemples de conflits qui ont décimés des pays ou un continent tout entier dans le monde dit moderne. Jamais les canons ne se taisent vraiment, que ce soit en Europe, en Asie, au Moyen-Orient ou en Afrique, souvenons-nous du Rwanda ou de l’ex-Yougoslavie, la guerre frappe encore et toujours avec la même sauvagerie. Pour s’en convaincre aujourd’hui, constatons que comme dit ce haïku, le ciel reste décidément froid du côté de Mossoul, d’Alep ou du Yémen oublié, comme il est froid depuis longtemps déjà au Mali ou en Afghanistan. Mais s’il reste ainsi dans nombre de lieux, il n’y est pour rien, le ciel, car c’est aux hommes qu’il doit cet aspect hideux et ce sont ces mêmes hommes qui par leur sectarisme ou leur obscurantisme assombrissent ainsi les cieux.

Hormis pour le souvenir et par respect vis-à-vis des martyrs, on se demande parfois à quoi servent les commémorations. Au-delà du respect à la mémoire, nos décideurs oublient trop facilement les leçons du passé peu glorieux où des milliers d’hommes étaient aveuglément conduits par eux à devenir la chair à canon. Et toujours ils recommencent ces scénari apocalyptiques pour mieux asseoir leur pouvoir et dès lors où eux-mêmes ne se présentent pas en première ligne.

C’est tout cela que m’évoque ce haïku, le ciel est tellement froid…

Jean Le Goff

12 novembre 2016

Bibliographie :

  • Haïku du XX ème siècle. Le poème court japonais d’aujourd’hui. Présentation, choix et traduction de Corinne Atlan et Zéno Bianu. Nrf  / Poésie / Gallimard. Paris 2007. 220 pages.

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